Contexte du forum

[Dre Vaji]

Je me souviens que quand je n’étais qu’un jeune enfant, la magie n’était qu’un conte. Ma vie prouva par la suite que notre société eut profondément tort. L’an 1996 avait marqué le monde d’une nouvelle ère, et nous nous en sommes aperçu bien trop tard. Ce fut à partir de ce moment où des charlatans qui se nommaient magnétiseurs, sorcières Wicca, voyants, médiums, commencèrent à dire qu’ils avaient tous la même vision : un phénix traversant la terre pour couvrir le monde de ses braises puis incendiait les continents. Ceci dura plusieurs années, jusqu’à que de plus en plus de témoignages s’accordent à interpréter qu’une force allaient détruire puis faire renaître notre planète. Les journaux en riaient, je me souvenais de ce présentateur qui se moquait en direct d’une voyante sur son plateau de divertissement.

Puis je grandis, je devins un adolescent, et on commença à voir sur le net des vidéos de créatures abracadabrantes, mais cela ne me sembla être que des canulars. Je fus pris de rêves étranges, où les créatures que je voyais en vidéo m’apparaissaient dans des songes où nos sensations semblaient être partagées. Ce fut à cet âge-là où, quand j’approchais certains objets, je sentais comme un crépitement chaleureux qui se répandait de ma poitrine au bout de mes membres.
Je devins un jeune adulte. Des rumeurs circulaient comme quoi, certaines personnes étaient capables de réaliser des prouesses hors du commun. Je me souviens particulièrement de cette soirée quand je plaisantais de ces visions et de ces sensations à un dîner entre étudiants. L’un d’eux me pris à part, et prononça le terme «magie». J’eu envie de rire, moi, pauvre fou terre-à-terre. C’est là où une petite flamme naquit entre ses doigts. Ces rêves, ces sensations, étaient la preuve que je pouvais aussi faire de même. Je pris peur, l’accusa d’être un vil blagueur, et retournai boire quelques bières.

J’étais un père de famille heureux, un mari accompli dans sa petite maison rennaise. J’avais ma seconde fille dans mes bras quand la télévision annonça un flash spécial d’information. Une vague entièrement gelée était apparue du jour au lendemain sans explication sur une plage d’Hawaii. Aucun expert scientifique n’expliquait cela, la glace était bien de l’eau solidifié. Je voyais mes enfants grandir en même temps que la multiplication de ces étranges phénomènes. Le Sahara vit fleurir une jungle, l’Amazonie se retrouva entourée en partie d’un grand mur invisible, une partie de New York commença à se faire envahir de plantes, et en Bretagne, une épaisse Brume commença à envahir Brocéliande. Ceux qui s’y aventuraient mourraient, devenaient fous ou disparaissaient subitement. Le gouvernement fit fermer les alentours. On commença à avoir le mot «magie» sur le bout des lèvres. Je me rappelais de mon camarade d’étude et je me décidai à le contacter.

Je fus un cinquantenaire quand j’entendis sonner les alarmes dans la ville. On était pas le premier mercredi du mois. On ordonna l’évacuation : les brumes avaient dévalé l’île-et-vilaine pour souffler leur catastrophe vers Rennes. Nous partîmes en catastrophe, abandonnant notre vie tranquille pour partir chez des amis à Vannes. Mais les Brumes avalèrent presque toute la Bretagne en quelques jours. Nous partîmes alors vers Nantes, laissant toute notre vie derrière nous.

Aujourd’hui, je suis un vieillard quasi-centenaire dont les os craquent à chaque mouvement. Cela fait quarante ans que les Brumes ont envahi la Bretagne. Quarante fichues années où Saint-Malo et Brest sont coincées et accessible par avion ou la mer ; et encore si les créatures marines sont clémentes. Je n’aimerais pas me faire dévorer par une sirène, même si ces gros poissons ne devraient pas trop trouver ma vieille carne à leur goût. Des fois, les Brumes s’écartent et laisse un bout de Bretagne abandonnée se dévoiler, mais cela ne dure jamais longtemps. Parfois pour quelques heures, parfois pour quelques mois si on est chanceux. De toutes façons, les Bretons ont tous quitté leur région, et la plupart se sont entassés à Nantes. Du coup, il n’y avait pas le temps de construire, les gens ont faits des maisons avec ce qu’ils trouvaient. Certains ont dû fuir tellement vite qu’ils ont tout perdu. Nantes ressemble plus à ce qu’elle était avant... En sortir est se retrouver face à la misère des bidonvilles qui n’ont pas les moyens d’acheter une côtelette pour leurs enfants.

De toutes façons, depuis que la Magie est revenue, on a dû dire adieu à tout ce qu’on connaissait. La nourriture est devenue chère avec le rétrécissement des surfaces agricoles. Sortir des villes est dangereux à cause des animaux magiques, même si on sait s’en défendre.  Le plus gros problème est que les humains restent idiots, surtout les magiciens. Il y a ceux qui suivent le Code de Déontologie Magique, et ceux qui s’en moque et se servent de leurs capacités pour causer du tort à autrui, souvent pour de l’argent facile. Malheureusement, pour un bon magicien, il y en a trois autres malhonnêtes. Maintenant les faits divers des journaux sont presque des rubriques nécrologiques, tout ça à cause des gangs et des trafics qui ont commencer à prospérer il y a quelques années. Les prothèses bioniques font fureur, mais elles restent chères. Alors elles font le bonheur du marché noir.

Nantes reste une belle ville, ma ville. Elle m’a toujours amusée avec ses tramways et son éléphant. Mais si vous pouvez, méfiez-vous des magiciens. Et si vous êtes comme moi un magicien, méfiez-vous des gens normaux.